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F. BATIFOULIER
Août 2012

Résumé
A l'heure où semble s'imposer le projet de désinstitutionnalisation, il nous semble essentiel de rappeler que les maisons d'enfants sont des organisations, des entreprises mais aussi des institutions. Cette dernière caractérisation est loin d'être stigmatisante parce qu'il va bien falloir trouver des modalités de contenance, de cadre, de limitation des intérêts individuels et des appétits particuliers pour que demain un vivre ensemble demeure possible. Notre réflexion s'emploiera donc à ouvrir des pistes pour refaire de l’institution comme espace de la rencontre inter-humaine qu'exige la clinique, une institution suffisamment bonne, que Xavier RENDERS décrit comme « celle où l'on parle, où l'on décide et où l'on reconnaît ces maladies¹».

La maison d'enfants : organisation, entreprise mais aussi institution
Penser la complexité du fonctionnement des maisons d'enfants, c'est reconnaître que ces établissements sont à la fois des organisations qui sont régies par des règles, des entreprises de service dont la mission est de réaliser des prestations de qualité au bénéfice de personnes en difficulté, mais aussi des institutions. Cette dernière qualification peut intriguer au moment où l'Europe produit des textes invitant à la désinstitutionnalisation. Quel sens donner à l'affirmation « une maison d'enfants est une institution » au moment où c’est le déclin de l'institution pour reprendre les termes de François DUBET² qui semble se confirmer.
Pour bien poser le cadre de cette réflexion il nous faut au moins honorer deux préalables.
Le premier consiste à s'entendre sur ce que l'on dit quand on parle d'institution et pour ce faire nous prendrons appui sur quelques auteurs de référence.
Le deuxième vise à contextualiser notre réflexion. Contextualiser notre réflexion, c’est tout d'abord prendre la mesure des mutations majeures qui affectent l'environnement sociétal des institutions (et quand on parle d’institution, il ne s'agit pas seulement des institutions sociales et médico-sociales dans lesquelles nous ½uvrons mais aussi de toutes les grandes institutions qui ont à voir avec la justice, l’éducation, la santé…). Mais c'est également à l'heure des grands man½uvres associatives, des coopérations, des fusions-absorptions, des mutualisations appréhender les nouvelles formes organisationnelles des institutions sociales et médico-sociales.

Refaire de l'institution à l'heure de la désinstitutionnalisation
Ces préalables étant honorés, nous devrons constater que le processus de déclin de l'institution annoncé par François DUBET³ ne semble pas s'être interrompu si bien que les professionnels du travail sur autrui ont le sentiment d'être emportés par une crise continue et par une sorte de décadence irréversible⁴. La situation est telle que certains réaffirment la nécessité de refaire de l'institution, ainsi de Jean-Pierre Lebrun⁵ , parce qu'il va bien falloir trouver des modalités de contenance, de cadre, de limitation des intérêts individuels et des appétits particuliers pour que demain un vivre ensemble demeure possible.
Refaire de l'institution, ce n'est pas ressusciter les institutions d'hier, refaire à l'identique.
Refaire de l'institution à nouveaux frais implique qu'on ait pris la mesure de l'ambivalence de l'institution qui peut-être aussi bien émancipatrice qu’aliénante.
Il y a, en effet, tout un courant de pensée dénonciateur de l'institution, nous pensons notamment aux écrits de Michel FOUCAULT⁶ et d’Erving GOFFMAN⁷ . Ce courant critique est à l'½uvre aujourd'hui, il s'agit pour s'en convaincre de prendre connaissance de la recommandation du Conseil de l'Europe du 3 février 2010 relative à la désinstitutionalisation des enfants handicapés et leur vie au sein de la collectivité⁸, qui peut être lue comme la confirmation d'un processus à l'½uvre depuis de longues années concernant aussi bien le champ médico-social que le secteur social.

Si nous avons l'intention de répondre positivement à l'invitation de Jean-Pierre Lebrun de refaire de l'institution, il est important de ne pas esquiver la dimension potentiellement négative du phénomène institutionnel et de prendre conscience que cette menace est présente dans toutes les formes institutionnelles même les plus modernes.
Il faut donc penser les formes nouvelles de l'institution sans naïveté et avec vigilance.

Refaire de l’institution, celle où l'on parle, où l'on décide et où l'on reconnaît ses maladies.

Pourtant si Jean-Pierre LEBRUN nous invite à refaire de l’institution, c'est bien que cette dernière porte en elle un potentiel d'humanisation, ne serait-ce que parce que le cadre de la clinique, c’est l’institution. Pour que la position clinique puisse exister de manière optimale, que l'exigence clinique soit honorée, il faut de l'institution. L'espace de la rencontre inter-humaine qu'exige la clinique, c’est l'institution.
Garantir la démarche clinique, c'est donc prendre soin de l'institution. Mais pour ce faire, il faut s’employer à refaire de l’institution, une institution suffisamment bonne, que Xavier RENDERS décrit comme « celle où l'on parle, où l'on décide et où l'on reconnaît ces maladies⁹».
Ce sont ces trois axes que nous développerons : refaire une institution où l'on parle, où l'on décide et où l'on reconnaît ses maladies.

L’intervenant
Francis BATIFOULIER est directeur d’une maison d'enfants et formateur.
Il a pour les éditions DUNOD :
• publié avec François Noble, Gouvernance et fonction de direction dans les associations d'action sociale, 2005 ;
• coordonné La protection de l'enfance en 2008 ;
• co-dirigé avec Noël TOUYA, Refonder les internats spécialisés, Pratiques innovantes en protection de l'enfance en 2008 et Promouvoir les pratiques professionnelles en action sociale et médico-sociale, Établissements, dispositifs, réseaux en 2011 ;
• dirigé le Manuel de direction en action sociale et médico-sociale en 2011.
Il a également participé au Guide du directeur, ESF éditeur et publié plusieurs articles dans la revue Empan et les Cahiers de l’Actif .

¹    X. Renders, «Des fonctions et des rôles » in L’institution résidentielle, médiateur thérapeutique, Paris, Matrice, 1998.
^2-3 F. Dubet, Le déclin de l’institution, Paris, Seuil, 2002.
⁴    F. Dubet, Le déclin de l’institution, Paris, Seuil, 2002.
⁵   J.-P. Lebrun, Y-a-t-il un directeur dans l’institution ?, Rennes, EHESP, 2009.
⁶   M. Foucault, Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard, 1972, Surveiller et punir, naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975.
⁷   E. Goffman, Asiles, Études sur la condition sociale des malades mentaux, Paris, Éditions de Minuit, 1968.
⁸   Recommandation CM/Rec (2010) 2 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe relative à la désinstitutionnalisation des enfants handicapés et leur vie au sein de la collectivité.
⁹   X. Renders, «Des fonctions et des rôles » in L’institution résidentielle, médiateur thérapeutique, Paris, Matrice, 1998.

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